top of page

Extrait du discours de Louis-Joseph Papineau

devant l'Institut canadien, le 17 décembre 1867

​

[...] En récapitulant quelques phases de l’histoire de notre pays pour vous indiquer la politique systématique suivie par le gouvernement aristocratique de l’Angleterre, dans ses anciennes comme dans ses nouvelles colonies, j’ai voulu vous montrer que ce système a toujours été imposé d’après les préjugés naturels de la caste qui nous gouverne dans son intérêt, intérêt qui est en conflit perpétuel et irrémédiable avec ceux des masses; qu’il a été nuisible aux établissements nouveaux en Amérique; que l’intérêt de ceux-ci est de demander leur émancipation le plus tôt possible, et d’acquérir tous les avantages et tous les privilèges de nationalités nouvelles, tout à fait indépendantes de l’Europe.

​

C’est à mes concitoyens de toutes les origines que j’en appelle aujourd’hui comme je l’ai toujours fait; que je dis que nous devons être non seulement soucieux de conserver les droits qui sont acquis, mais que, par la libre discussion, nous devons nous efforcer sans cesse d’en acquérir de nouveaux. Le meilleur moyen d’obtenir cet heureux résultat est d’appeler les jeunes et vigoureux esprits d’élite, de toutes les diverses nationalités, à se voir, à se réunir fréquemment [...] Ils s’y verront comme amis, comme égaux, comme compatriotes. Ils partageront une admiration commune pour Shakespeare et Corneille, pour Newton et Buffon, pour Coke et Domat, pour Fox et Lamartine, – pour la légion des hommes éminemment grands, serviables à l’humanité entière, que les deux nationalités anglaise et française ont produits en si grand nombre. Dans l’état de notre société, avec la facilité d’apprendre dès l’enfance les deux langues, ce sera à l’avenir se condamner à une infériorité marquée que de négliger de les bien apprendre également toutes deux, que de n’être pas apte à goûter avec avidité les fruits exquis que leurs littératures ont produits, plus abondants et plus savoureux que ceux des autres peuples.

Non, il n’est pas vrai que les dissensions politiques, qui ont été si acharnées dans les deux Canadas, fussent une lutte de races. Elles étaient aussi âpres dans le Haut-Canada, où il n’y avait qu’une nationalité, qu’ici, où il y en avait deux. Les majorités de toutes deux étaient les amis désintéressés des droits, des libertés, des privilèges dus à tous les sujets anglais. Elles s’exposaient volontairement à des diffamations menteuses, à des colères dangereuses, à des vengeances sanguinaires quelquefois, de la part de minorités égoïstes, faibles par elles-mêmes, mais soutenues par la puissance des baïonnettes payées avec l’or du peuple, mais partout dirigées contre le peuple.

 

Les hommes les plus éclairés de l’Angleterre et de l’Amérique ont appelé nobles et justes les efforts que mes amis anglais et mes amis canadiens, et moi et mes collègues en chambre, et nos collègues par l’identité de principes et la communauté de dévouement dans l’Assemblée du Haut-Canada, avons faits pour délivrer nos pays de l’outrage et de l’oppression. Il était dans les préjugés et dans les intérêts de l’aristocratie d’applaudir aux excès de la bureaucratie coloniale, noblesse au petit pied, singeresse des grands airs, copiste des pratiques, adepte du machiavélisme de ceux qui l’avaient installée. Le parlement les a approuvés, la raison les a flétris.

© 2023 by MY SITE NAME. Proudly created with Wix.com

bottom of page